L'histoire du Rock

L'histoire du Rock

L'histoire du rock

A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale les Etats-Unis ont pris un leadership très net sur le monde et l’heure est au fameux “American way of life” : papa achète un pavillon à sa petite famille et le crédit est là pour s’assurer que les ménages consomment à plein régime des produits tels que machines à laver, frigo, la sacro-sainte voiture bien sûr mais aussi des biens culturels, notamment radios, tourne-disques et les vinyles qui vont avec. C’est également une période de changement : les enfants rejettent une bonne partie de l’héritage de leurs parents et aspirent à créer leur propre monde, notamment musical...

Le rock naît à ce moment-là sous l’impulsion de quelques artistes qui amalgament les influences de différentes musiques populaires typiquement américaines. La country en premier lieu avec son côté rythmé et la prédominance de la guitare. Le folk pour ses textes et son côté brut. Mais aussi le blues et le rhythm & blues de la communauté afro-américaine qui emmènent l’étincelle sauvage ainsi que la connotation sexuelle qui manquait pour enflammer une jeunesse en mal d’émancipation.

Le rock, cette musique du diable qui menaçait de renverser le monde en pervertissant une grande partie de la jeunesse, était née. Avec Chuck Berry, Bill Halley & The Comets, Jerry Lee Lewis ou Little Richard, Gene Vincent, les jeunes américains ont enfin la musique qui déplait à leurs parents.


Et c’est un raz de marée : le rock est sur toutes les lèvres, les jukeboxes des diners tournent à plein régime, les 45T de hits tels que Johnny  B. Goode, Rock around the clock, Tutti frutti, Be bop a lula ou Long tall Sally s’écoulent par millions. Sur ces entre fêtes arrive, via Sun Records et son emblématique patron, Sam Phillips, un phénomène : Elvis Presley.

Avec sa plastique de rêve, sa voix, son déhanché et ses chansons (Hound dog, Love me tender, Jailhouse rock), il conquiert le cœur du public adolescent : les filles sont amoureuses et les garçons veulent prendre sa place. Rapidement il acquiert une renommée mondiale avec des concerts en mondovision (une première à l’époque) et tient le beau rôle dans des films à succès qui le font rentrer dans tous les foyers américains, non seulement via les radios, mais également les télévisions qui se sont largement démocratisées. Il domine tellement les charts et le monde du rock qu’il sera vite affublé d’un surnom : le King.


 

 

Elvis Presley surnommé 

"The King"

Le rock s’est répandu dans le monde entier comme une trainée de poudre sous l’œil satisfait des grandes maisons de disques qui y ont vu un moyen de vendre des vinyles en masse à la jeunesse et non plus seulement aux parents qui tournaient en rond avec le music-hall, le jazz ou la country. Les années 60 sonnent l’heure de la globalisation et elle commence par le Royaume-Uni. Influencés par les pionniers du rock et du blues (Muddy Waters en tête), deux groupes vont apparaître à ce moment-là : les Beatles à Liverpool et les Rolling Stones à Londres.

La réponse anglaise aux Etats-Unis est là et elle sera immense en termes de popularité. Si les deux groupes sont couronnés de succès dès leurs débuts, on parlera de « Beatlesmania » tant l’hystérie gagne les foules à chacune de leurs apparitions. D’abord quasiment des gendres idéaux avec leurs petits costumes, Stones et Beatles passent ensuite par différentes phases, notamment la période hippie et psyché de la fin de la décennie 60.

The Rolling Stones
The Beatles

 

 

 

Si les deux groupes crèvent l’écran, ils ne sont pas seuls et le Royaume-Uni voit émerger en même temps bons nombre de formations talentueuses qui se revendiquent également le l’héritage du blues US : Pink Floyd, les Small Faces, les Kinks, les Who, Cream, Yardbirds etc.

La fin des années 60 voit arriver la vague hippie avec son psychédélisme et ses revendications. Finit les costumes proprets, les rockers arborent désormais motifs à fleurs, lunettes de couleur et cheveux longs.

Quand on pense à ce mouvement, on ne peut pas ne pas évoquer le festival géant Woodstock qui a lieu au nord de l’état de New York. S’y rassemble environ un demi-million de jeunes en quête de liberté venus écouter Jimi Hendrix, Ravi Shankar, Richie Havens, Santana, The Who, Jefferson Airplane (un des portes drapeau hippie en provenance de San Francisco), Janis Joplin, Crosby, Stills, Nash & Young ou Joe Cocker.

Cette période est également celle de l’opposition farouche à la guerre du Vietnam menée par Richard Nixon et dans laquelle les Etats-Unis sont totalement embourbés : aucune issue ne semble se profiler, le pays engloutit des sommes de dollars faramineuses et les jeunes meurent dans la jungle par milliers ou rentrent aux pays totalement dévastés par l’expérience de la guerre.

Un homme offrira aux pacifistes et la jeunesse qui refuse l’ordre mondial établit par leurs parents en général leurs principaux hymnes : Bob Dylan avec The times they are a-changin’, Blowin’ in the wind ou Masters of war. Avec Joan Baez ils seront les visages, pour ne pas dire les porte-parole, de cette contestation qui gronde et qui explosera comme lors de Mai 68 en France par exemple. Ce sont également eux qui remettent le folk au goût du jour. Dès son premier album, Dylan rencontre un immense succès commercial et devient instantanément une star mondiale. Il s’attirera les foudres des puristes lorsqu’il passera à la guitare électrique : crime de lèse-majesté pour les uns, coup de génie pour les plus ouverts d’esprit.


En tout cas nombre d’artistes suivront avec un réel enthousiasme : Pentangle ou Fairport Convention au Royaume-Uni, Crosby, Stills & Nash ou Simon & Garfunkel aux USA, Neil Young au Canada etc.

La décennie 60 est aussi celle du rock psychédélique qui enfantera lui-même du rock progressif. Des groupes comme Pink Floyd, King Crimson, Soft Machine, Tangerine Dream, Genesis, Emerson Lake & Palmer expérimentent à tout va sur le canevas rock connu jusqu’à présent. On pioche dans le folk, les polyrythmies de différentes traditions, les premiers instruments électroniques, bref tout ce qui peut apporter de l’eau à un moulin qui ne demande qu’à tourner tous azimuts.

Les structures éclatent et les morceaux s’allongent sur plus de 10 minutes donnant lieu à des suites épiques où les envolées lyriques sont monnaie courante et donnent lieu à de nombreux « concepts albums » bien plus longs que ce qui se faisait jusqu’ici. Le genre souffrira ensuite d’un gigantisme et de démonstrations techniques ennuyeuses qui lassera une partie du public.

Au tournant des années 70 le rock fait moins peur mais reste un instrument de contestation, de revendication ou de démarcation pour une jeunesse qui a désormais accès à un vaste panel d’artistes dans des styles différents. On assiste à l’émergence des noms qui vont marquer de leur empreinte l’histoire du rock et de la musique en général : The Doors menés par un Jim Morrison incarnant le poète maudit, David Bowie, personnage aussi talentueux que versatile, The Eagles et leur son californien typique, Roxy Music figurant le glam des 70’s, Queen, quatuor qui excellera dans un style touche à tout, The Velvet Underground, tête chercheuse musicale de la Factory de Warhol etc.

Sous l’impulsion de Led Zeppelin et leur son lourd, de Black Sabbath et de Deep Purple, une partie des rockeurs vont peu à peu durcit le son... et le ton. Les batteurs cognent comme si leur vie en dépendait, les guitares sont passées dans des pédales de distorsion, les solos sont comme des cris et les chanteurs n’ont pas peur de hurler les paroles à un public qui devient vite de plus en plus nombreux. Le hard rock (ou heavy metal) est né.


Inspiré par les pionniers du rock, par Hendrix, par le rock progressif et par les trois formations que nous venons de citer, Kiss, Alice Cooper, UFO ou Uriah Heep jettent les bases du genre qui explosera littéralement dans les années 80 avec Iron Maiden, Metallica, Scorpion, Van Halen, Mötley Crue, D.I.O ou Slayer puis s’étoffera dans les 90’s. Aussi populaire aux Etats-Unis qu’en Europe, le metal va se fracturer en une innombrable multitude de sous-genres : black metal, trash, death, grind, hardcore, speed metal, prog metal, metal symphonique etc.

Si les années 70 sont souvent synonymes de funk et de disco, il ne faut pas oublier que c’est à ce moment-là qu’en né le mouvement punk en réaction aux paillettes de l’industrie musicale. Des deux côtés de l’Atlantique des formations telles que les The Stooges, MC 5, Ramones, Richard Hell, Sex Pistols, The Clash, The Buzzcocks, The Police ou The Damned rejettent les codes du rock pour livrer une musique brute, simple et revendicatrice : nihilisme, anarchie, drogue et outrances sont de rigueur mais cela cache la vraie portée politique des paroles de certaines formations dénonçant la pauvreté, le racisme, l’extrême droite, les abus policiers ou les guerres menées çà et là tout autour du globe.

L’année 77 est considérée comme l’année punk par excellence, notamment grâce aux Sex Pistols, mais le mouvement a perduré et s’est propagé dans le monde entier. La France n’a bien sûr pas échappée à cette vague et l’on a vu fleurir dans les années 80 labels et formations telles que Bérurier Noir, La Souris Déglinguée, Métal Urbain, O.T.H, Les Cadavres, La Mano Negra qui ont eu une grande importance dans le panorama musical de l’époque et une influence sur beaucoup d’autres groupes à venir.

Au tournant des années 80 le rock et la pop se font plus synthétiques. Les synthés, boîtes à rythmes et autres éléments de studio autrefois très couteux deviennent de plus en plus accessibles aux musiciens qui y voient à la fois une liberté inédite (le fait de pouvoir se passer de batteur notamment) et des possibilités soniques quasi illimitées. 

Ce nouveau son est appelé new wave et est influencé à la fois par le classic rock 60-70’s mais aussi par le punk qui a muté pour devenir ce que les anglo-saxons nomment post-punk et le glam rock (Bowie, T.Rex, Gary Glitter etc.). Les groupes se nomment Joy Division (puis New Order), Tear For Fears, Visage, Talk Talk, The Cure, Dead Can Dance, Depeche Mode, Siouxsie & The Banshees, Boy George, Eurythmics, The Bangles, Pet Shop Boys, Wham!, Frankie Goes To Hollywood, Simple Minds etc.

Certains tirant vers l’electro pop, d’autres plus vers la coldwave ou carrément le rock mais avec ce nouveau son synthétique typique de la décennie 80. C’est également à cette époque que Peter Gabriel (ex-Genesis) se lance en solo et connait un succès faramineux mais aussi qu’arrive un petit quatuor irlandais qui deviendra un monstre du rock pendant plusieurs décennies : U2.

Les années 80 avaient vu une scène rock indépendante naître suite aux bouleversements du punk mais cette scène va littéralement exploser dans les années 90. En parallèle du metal qui consolide sa présence dans l’industrie du disque (Sepultura, Panthera, Megadeth, Guns N’ Roses, Anthrax, Slipknot, Korn, Limp Bizkit, Tool, l’explosion des scènes death metal et black metal etc.), un rock ni pop, ni FM, ni classique, ni trop dur, va voir le jour avec des formations comme Red Hot Chilli Peppers, R.E.M, Sonic Youth, The Pixies et bien d’autres.

Mais cette décennie va être durablement marquée par un genre qui va en quelques mois ringardiser pas mal d’autres styles musicaux autour de lui : le grunge. Parti de Seattle via le label Sub Pop, le grunge va littéralement exploser à la face du monde avec Nevermind de Nirvana mais aussi les disques de Pearl Jam, Alice In Chains, Mudhoney, Soundgarden ou Dinosaur Jr. La jeunesse se reconnait dans ce rock énergique sans être brutal qui, s’il s’en inspire, a largement dépassé les suites basiques de trois accords du punk. La mort de Kurt Cobain sera un peu au grunge ce que Altamont a été pour le mouvement hippie.

On ne peut bien sûr pas résumer les 90’s avec le grunge, bien qu’il ait été la plus grande tendance musicale du moment, et un certain nombres de combos rock ont commencé de belles carrières à ce moment-là : Blur et Oasis les éternels rivaux britanniques, The Cranberries, No Doubt et sa chanteuse Gwen Stephani, Texas, Pavement, Green Day, Rage Against The Machine, Smashing Pumpkins, Beck, Eels, Foo Fighters, Garbage, Lenny Kravitz, Placebo, PJ Harvey, The Offspring, The Verve, Radiohead, Weezer etc.

Après une période de domination sans partage du rap / r’n’b dans les charts et sur les ondes, le début des années 2000 verra le rock revenir sur le devant de la scène. S’inspirant du garage rock, du post punk, voire du blues et de formations comme le Velvet Underground ou Television, The Strokes, The Libertines, Kasabian, Kings of Leon, The Black Keys, Black Rebel Motorcycle Club, Queens Of The Stone Age, Arctic Monkeys ou Bloc Party vont ramener la guitare dans le cœur de la jeunesse partout dans le monde. C’est aussi à cette période que Coldplay, Muse ou Placebo vont devenir des superstars mondiales remplissant des stades.


S’il n’ont pas splitté, la plupart des groupes des années 90 et 2000 (Pixies, RHCP, Strokes, etc.) sont toujours en activité et tournent, tout comme certains des mastodontes du rock (Rolling Stones, AC/DC etc.). La démocratisation des studios d’enregistrements a aussi eu pour effet qu’un nombre impressionnant de labels indés se sont créée, notamment en Amérique du Nord et en Europe, produisant les albums d’une liste infinie d’artistes rock allant des plus pop au plus dark, passant de ceux qui fricotent allégrement avec le folk, l’electro, ou tout autre tendance musicale intéressante, signe que le rock est encore bien vivace à l’heure actuelle malgré ses 70 bougies


Bibliographie :

  • Nick Cohn « Awopbopaloobop Alopbamboom : L’âge d’or du rock » (Allia)
  • Jon Savage « England’s dreaming : les Sex Pistols et le punk » (Allia)
  • Simon Reynolds « Rip it up and start again » (Allia)
  • Christophe Brault « Power pop » et « Rock garage » (Le Mot et Le Reste)
  • Jean-Sylvain Cabot & Philippe Robert « Hard’n’heavy 1966-1978) (Le Mot et le Reste)
  • Jean-Sylvain Cabot & Philippe Robert « Hard’n’heavy 1978-2010) (Le Mot et le Reste)
  • Arnaud Choutet « Le rock sudiste » et « Soft rock » (Le Mot et le Reste)
  • Frédéric Delage « Prog 100 » (Le Mot et le Reste)
  • Jean-Charles Desgroux « Rock fusion » et « Stoner » (Le Mot et le Reste)
  • Sylvain Fanet « Standing on the beach : la new wave en 100 disques essentiels » (Le Mot et le Reste)
  • Jean-Marie Pottier « Indie pop 1979-1997 » (Le Mot et le Reste)
  • David Rassent « Rock psychédélique : un voyage en 150 albums » (Le Mot et le Reste)