La chaîne de transmission continue d'un musicien à un autre et d'une âme à l'autre, reprenant des mélodies millénaires qu'on entendait jadis un peu partout dans la ville, dans les églises et les cafés ; dans les mosquées et sur les terrasses des immeubles en pierre de taille. Ces airs, en arabe, syriaque, arménien, turc ou kurde, se sont transmis de génération en génération, forts de leur beauté, comme unique arme contre l'oubli. Leur dénominateur commun est, pour Fawaz Baker, leur constante innovation au sein d'une structure traditionnelle. La musique orientale offre en effet de grandes possibilités en termes de rythme, de mélodie et d'improvisation. Elle est ce qu'on nomme une musique modale : composée de phrases musicales, non de tons ou de notes, comme la plupart des compositions en Occident depuis le XVIIIe siècle. Le son oriental est fondé sur l'improvisation et la polyphonie ; liberté qui permet à deux mélodies d'évoluer en même temps au sein d'une architecture complexe, et autorise chaque musicien à interpréter et improviser. Comment, alors, trouver l'équilibre entre musique écrite et improvisée, entre modal et tonal ? Le pari n'est pas aisé, mais illustre combien la musique – et l'art en général est apte à créer un dialogue entre des forces contradictoires, là où l'idéologie échoue.
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