L'histoire de la Soul, du Funk et du Disco

L'histoire de la Soul, du Funk et du Disco

Avant la soul ou le funk il y avait le rhythm & blues. Dans les années 1940, la demande en musique destinée aux afro-américains (ou « race music, n’oublions pas que la ségrégation raciale est encore bien marquée) commence à exploser. Les noirs américains ont déjà inventé le gospel, le blues, le jazz et continuent d’innover avec ce genre musical nouveau qui pioche ses éléments dominants chez ses ancêtres mais en y ajoutant les instruments électriques qui arrivent (la guitare en premier lieu).

Des noms apparaissent tels que Louis Jordan, Jimmy Witherpsoon, Big Joe Turner via des labels qui ont senti le vent : Chess, Atlantic, Savoy etc. Résultat, le rhythm & blues se propage à vitesse grand V parmi la communauté afro-américaine des grandes villes industrialisées.

Les années 1950 verront le mouvement s’accentuer avec l’augmentation du niveau de vie de la population noire aux US. En plus des radios, vecteurs primordiaux de la musique jusque-là, la popularisation des disques vinyles participera bien évidemment à la diffusion de cette musique. Des grands noms verront le jour à cette époque tels Johnny Otis, Little Richard, Ruth Brown, Fats Domino ou Ray Charles qui seront une influence primordiale, non seulement pour la soul et le funk à venir, mais également pour le rock tout juste en train de sortir de l’œuf.

La décennie 60 sera clairement la décennie de la soul. Le genre va puiser un peu plus dans le gospel que ne l’a fait le rhythm & blues tout en ayant un caractère sexuel indéniable sur lequel joueront beaucoup d’artistes. La dualité « je prie Dieu tous les dimanches à l’église mais mes désirs charnels sont brûlants » est bien réelle. C’est à cette époque que naîtront les labels mythiques que sont la Tamla Motown à Detroit et Stax à Memphis sous l’impulsion de deux jeunes entrepreneurs qui ont bien cerné les besoins d’une jeunesse qui n’adhère pas forcément au rock & roll souvent considéré comme primaire et bruyant.


A partir de ce moment-là de plus en plus de blancs tombent amoureux de cette musique grâce à un bon marketing des maisons de disques mais aussi et surtout, grâce aux talents qui émergent : Aretha Franklin, Wilson Pickett, James Brown, Curtis Mayfield, Marvin Gaye, Otis Redding, Ray Charles, Solomon Burke, Nina Simone, Al Green, The Supremes, Ben E. King, Stevie Wonder, Gloria Gaynor etc. Autant de noms qui sont tous considérés comme des légendes de nos jours et qui ont eu des carrières incroyables.

D’un côté nous avons la Stax, avec son ancrage dans le sud qui est considérée comme un peu brute de décoffrage et d’un autre la Motown à Detroit avec un son plus dansant. Les tubes pleuvent, les 45T se vendent comme des petits pains, la demande en 33T explose, les radios adorent.

Petit à petit la soul s’exporte grâce aux maisons de disques, qui si elles restent indépendantes, ont signé des contrats avec l’industrie mondiale de la musique. Les albums et les singles s’exportent donc en dehors des Etats-Unis : l’Europe, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les Pays-Bas (pays dans lesquels sont encore basés pas mal de soldats américains...) mais aussi le reste de l’Europe et tous les pays ouverts au business avec les US en règle générale.

Vers la fin des 60’s/tout début des 70’s, la soul mute sous l’impulsion de certains artistes, James Brown en tête : le rythme se durcit, l’énergie est mise au premier plan et la contestation gronde. Le Mouvement des Droits Civiques est passé par là et si les choses vont dans le bon sens, Martin Luther King et Malcolm X ont été assassinés, le racisme est encore palpable dans l’air, il reste encore un long chemin à la communauté afro-américaine pour prétendre à la même vie que les descendants des WASP.

James Brown

Contrairement à la soul, le funk laisse plus de place aux cuivres, aux solos des divers instruments et n’a pas peur de jouer instrumental. La soul incarnait l’amour, le funk symbolise la danse, les corps qui se déhanchent, l’abandon sur la piste de danse pour oublier les problèmes du quotidien. Le funk devient LA musique des afro-américains.

 

 

 

Les maisons de disques signent des artistes émergents (The Meters, Archie Dell & the Dykes, Sly & the Family Stone, Earth, Wind & Fire, The Jacksons, The Bar-kays, The Isley Brothers etc.), qui sont parfois les backing bands maison qui accompagnaient les chanteurs / chanteuses soul, pour proposer au public toujours plus nombreux de quoi rassasier sa faim de musique.

L’engouement est tel qu’un cinéma très marqué autour du funk va naître : la blackploitation. Souvent centré autour du caïd du ghetto ou du pimp (littéralement le « mac »), ces films comme Black Caesar, Coffy ou Shaft ou Super Fly encensent la figure du noir viril, courageux, qui plait aux femmes (y compris les blanches) et qui fait règle ses affaires par la violence si sa force de persuasion n’est pas suffisante.


Les années 80 verront encore le funk changer de forme avec l’arrivée du boogie : c’est l’époque du strass, des paillettes, du son clinquant et des synthétiseurs. Le style pioche dans le disco pour le mixer avec le funk originel. Kool & The Gang et Earth, Wind & Fire tiennent le haut des charts mais derrière eux, une foule d’artistes produisent ce nouveau son : D. Train, Zapp & Roger, Change, Midnight Star, Cameo, Mtume, Evelyn « Champagne » King etc.

A la fin des années 80 et dans les années 90, le rhythm & blues est revenu sous une forme plus proche du rap que l’on a appelée street soul, new jack ou R&B. Lors de la seconde moitié de la décennie sont apparus dans le paysage musical rap des artistes tels que Erykah Badu, Kelis ou D’Angelo qui ont popularisé leur version de la soul. Celle de gens nés dans les 70’s et qui ont créé une musique de leur temps, influencée par le hip hop autant que par les disques vinyles de leurs parents.

Parallèlement, d’autres musiciens, principalement dans les années 2000, ont pris le contrepied de cela pour revenir aux origines des 60’s et 70s : un revival soul / funk est né avec des labels comme Daptone (Sharon Jones, Charles Bradley, Lee Fields etc.), Colemine Records ou les crooners Mayer Hawthorne et Raphael Saadiq par exemple. Le meilleur exemple que nous ayons en France est probablement Ben l’Oncle Soul et son tube Soulman.

Revenons aux années 70. Piochant dans le funk, la soul, la pop et les musiques caribéennes, le disco a connu un succès gigantesque avant de sombrer dans l’oubli, totalement ringardisé. Dès 1971 à Philadelphie, un label, Philadelphia International Records, développe un son particulier : le rythme 4 x 4 est adopté (prémisse de la house à venir), les morceaux s’allongent bien au-delà des 3 minutes permises sur un 45T et l’hédonisme est de mise. Des artistes tels que Harold Melvin & The Blue Notes, Teddy Pendergrass, The Tramps ou Bunny Sigler sont les pionniers du genre grâce aux producteurs McFadden & Whitehead.

Parti des clubs gay noirs et latinos, jusqu’aux mythiques Studio 54 et Paradise Garage new yorkais, le disco est bientôt partout, poussé par l’incroyable succès de Saturday night fever dans lequel John Travolta est un jeune urbain qui pense que la réussite viendra de ses talents de danseur disco. La musique du film, composée en majorité par les Bee Gees, doit être un des albums les plus vendus de tous les temps...

Pourtant à l’ombre de tout ce cirque (de Kiss à Sheila, tout le monde sort un album disco à cette époque...), des artistes propagent un disco sincère et abouti. Donna Summer explose les charts grâce à sa collaboration avec l’allemand Giorgio Moroder qui crée un son disco synthétique où le rythme est fourni par une boîte à rythme. Un batteur français devient également une star mondiale : il s’agit de Cerrone qui, logiquement, produit un disco très rythmique qui fleure le stupre.

Beaucoup de chanteurs / chanteuses issu(e)s de la soul et du funk s’y essayent avec des bonheurs divers : Isaac Hayes, Gloria Gaynor, Nile Rodgers et son groupe Chic, Barry White etc. Des groupes très grands publics comme ABBA, Village People ou Boney M mais aussi Patrick Juvet, Patrick Hernandez (avec son fameux Born to be alive) ou des stars du rock (Rolling Stones, Rod Stewart, Blondie) ont aussi pris le train disco en marche.

La chute a été aussi brutale que l’ascension : du jour au lendemain, il a été décrété que le disco était une musique simpliste créée au kilomètre (ce qui était vrai pour une bonne partie de la production) et qui n’était pas digne d’intérêt. La chose a atteint son paroxysme lors de la Disco Demolition Night en 1979 : un dj de Detroit invita la foule à se rassembler dans un stade pour détruire le maximum d’albums disco possible !

Le genre perdurera sous d’autres formes notamment le Hi-NRJ, forme de disco inspirée des productions électroniques de Giorgio Moroder (mais avec des BPM encore plus rapides) qui fera le bonheur des clubs gays du début des années 80 et qui sera une influence majeure de la house qui arrive quelques années après. Ses héros se nomment Patrick Cowley, Sylvester ou Bobby O.

Un pays d’Europe s’affirme aussi à cette époque : l’Italie. Armés de boîtes à rythme Roland, de synthés et d’enregistreurs à bandes Revox, les producteurs italiens vont créer l’italo disco, un genre distinct de ce qui se pratique aux US : leur musique est plus influencée par Kraftwerk et la new wave mais avec le dancefloor dans la ligne de mire.

Comme son grand frère américain, on trouve des quantités phénoménales de titres cheesy qui ont très mal vieilli et des morceaux qui sont encore très recherchés de nos jours par une foule de DJs. Des groupes comme Casco, Klein & MBO, Valerie Doré, Electra, N.O.I.A, Claudio Simonetti, La Bionda, Alexander Robotnick etc. sont des influences primordiales de la house de Chicago et leurs disques étaient joués par les premiers Dj house tels que Ron Hardy ou Frankie Knuckles.

Bibliographie :

 

  • Nicolas Rogès « Move on up : la soul en 100 disques” (Le Mot et le Reste)
  • Peter Guralnick « Sweet souls music » (Allia)
  • Philippe Robert « Great black music » (Le Mot et le Reste)
  • Belkacem Meziane « This is how we do it » (Le Mot et le Reste)
  • Peter Shapiro « Turn the beat around » (Allia)